Certaines
célébrités marocaines qui vivent en France font partie
intégrante de l’Hexagone. Ces personnalités font même la Une
de l’actualité dans leur pays de résidence. A tel point
qu’elles incarnent, parfois, une certaine image de la France
à l’étranger. Elles sont en quelque sorte la vitrine
politique, culturelle et sportive du pays qui les a
adoptées. Leur réussite est souvent décrite comme un modèle…
Mais, revers de la médaille, ces figures sont également des
instruments que véhiculent, notamment, les médias français
en les présentant comme des exemples à suivre. Le secret de
leur réussite ? Il réside probablement dans la capacité
qu’elles ont eu à intégrer la dimension de leur double
appartenance. Qui sont-elles ? D’où viennent-elles ? Comment
ont-elles percé en France au point de devenir
incontournables ? Gros plan sur des destins croisés.
BIO1968. Naissance à Oujda.
1991. 1ère participation à une Coupe du Monde.
1996. Capitaine de l’équipe de France de rugby.
2000. Chevalier de la Légion d’honneur.
2009. Officier de l’Ordre national du Mérite.
Abdelatif Benazzi, le colosse
Président de
l’association Noor
Ses
débuts
Lorsqu’il voit le jour, son père est à la tête de la plus
grande minoterie d’Oujda. Issu d’une famille nombreuse, il
est d’abord gardien de but, puis lanceur de poids et de
disque avant de devenir joueur de rugby à l’âge de 14 ans.
Le déclic
L’entraineur Français Reinhart Janik lui apprend, à 16 ans,
les rudiments du rugby au club d’Oujda. Dès 1985, année où
il évolue en sélection junior marocaine, Benazzi se fait
remarquer par la France lors de tournées européennes. Le
club de Cahors en 1988 lui permet de se frotter aux grands
champions. Il signe deux ans après avec Agen où il est
victime de racisme. Malgré des blessures, son talent lui
ouvre les portes de l’équipe de France où il devient
incontournable.
La France et lui
Benazzi fait aujourd’hui partie des grands noms du rugby
français. Il a engrangé 68 sélections entre 1990 et 2001,
disputé trois Coupes du monde (1991, 1995, 1999) et gagné un
Grand Chelem au Tournoi des Cinq Nations de 1997. Cette même
année, il est nommé au Haut Conseil à l’Intégration par
Jacques Chirac et y reste trois ans. Il crée l’association
Noor pour la scolarisation des enfants dans le besoin en
2003. En février 2009, après l’avoir décoré, le président
Sarkozy le qualifie d’homme talentueux et généreux.
BIO
1955. Naissance à Oujda.
1984. Ouvre son restaurant.
2001. Reçoit la Légion d’honneur.
2003. Lance une gamme d’épices.
2006. Publie La Cuisine du ramadan.
Fatéma Hal, la battante
Chef du restaurant
Le Mansouria à Paris
Ses débuts
A sa naissance, son père était chauffeur de taxi et sa mère
illettrée. A l’âge de 16 ans, elle s’installe en France et
épouse un cousin éloigné. Après un divorce douloureux, elle
se retrouve seule, privée de ses trois enfants. Elle
enchaîne les petits boulots et s’inscrit à l’université. Son
travail dans les milieux associatifs lui permet de devenir
conseillère technique au ministère des Droits de la femme.
Le déclic
A l’âge de 30 ans, Fatéma Hal, qui a un don particulier de
cuisinière, décide de faire de son art un métier. Les
banques refusent de lui octroyer des crédits. Elle fait donc
appel à son entourage pour obtenir les fonds
nécessaires et s’installe, un an plus tard, rue Faidherbe
dans le XIe arrondissement de Paris.
La France et elle
Son restaurant, Le Mansouria, ne pouvait accueillir que 35
personnes à son ouverture. Aujourd’hui, avec 120 couverts,
il fait partie des tables les plus réputées de Paris.
Reconnue par des personnalités françaises aussi bien du
show-biz que politiques, elle a publié huit livres et
participe à des colloques pour promouvoir la gastronomie
marocaine. En ce sens, elle contribue à améliorer l’image
pluriculturelle de la France.
BIO
1971. Naissance à Casablanca.
1988. Etudie les sciences politiques à Montréal.
1992. Cours Florent à Paris.
2006. Chevalier des Arts et des Lettres.
2007. Elu personnalité la plus drôle de France.
Gad
El Maleh, la star bling-bling
Humoriste, acteur
et réalisateur
Ses débuts
Gad est élevé à Casablanca par un père mime de confession
juive. Ce qui explique que dès son plus jeune âge, son don
de comique apparaît. Il fait ses études à l’école Georges
Bizet puis au Lycée Lyautey. A 17 ans, il quitte le Maroc
pour Montréal où il se consacre plus aux sketchs qu’à ses
études.
Le déclic
Agé de 21 ans, il est formé par l’actrice Isabelle Nanty au
Cours Florent. Il travaille avec Elie Kakou puis dans
l’équipe du Morning d’Arthur sur Europe 2. En 1997,
Décalage, son premier one-man-show, le propulse sur le
devant de la scène. Trois autres spectacles suivront et
feront de lui une star à part entière. Son film Chouchou, en
2003 marque un tournant dans sa carrière d’acteur qu’il
poursuivra jusqu’à son dernier long métrage Coco.
La France et lui
Alors qu’il avait basé son humour sur ses origines
marocaines, le dernier spectacle de Gad laisse peu de place
au Maroc et se consacre davantage au public français. Bien
qu’il fasse toujours référence à sa terre natale, Gad s’est
définitivement intégré en France, à tel point qu’il est
aujourd’hui l’humoriste le plus médiatisé. Son film Coco
connaît un succès phénoménal en France.
BIO
1965. Naissance à Saint Rémy.
1983. Décroche son baccalauréat.
2005. Conseillère de Nicolas Sarkozy.
2007. Garde des sceaux.
2009. Naissance de sa fille Zohra.
Rachida Dati, la pionnière
Ministre française
de la Justice
Ses débuts
Mbarek Dati, son père, Casablancais d’origine, arrive en
France en 1963 et devient maçon. Sa mère, Algérienne, est
analphabète. Rachida Dati passe son enfance à
Chalon-sur-Saône avec onze frères et sœurs dans une école
catholique. Elle travaille dès l’âge de quatorze ans en
faisant du porte à porte pour vendre des produits
cosmétiques.
Le déclic
Agée de 21 ans, elle assiste à une réception à l’Ambassade
d’Algérie à Paris. Grâce à une rencontre lors de cet
événement avec Albin Chalandon, ministre de la Justice, elle
obtient un stage à la direction financière chez Elf. Sur les
conseils de Marceau Long et Simone Veil, elle entre à l’Ecole
nationale de la magistrature en 1992.
La France et elle
Porte-parole de Nicolas Sarkozy lors des présidentielles de
2007, elle est la personne politique la plus médiatisée
après le président. Critiquée, jalousée, Rachida Dati est
également la première personnalité d’origine maghrébine à
occuper des fonctions régaliennes dans un gouvernement
français.
BIO
1976. Naissance à Khouribga.
2000. Il crée le premier taxi collectif d’Ile-de-France.
2002. Fonde l’Association des Jeunes Entrepreneurs de
France.
2005. Publication d’un livre sur l’ascension sociale.
2007. Co-anime l’émission L’inventeur de l’année sur M6.
Aziz Senni, le modèle
Entrepreneur
Ses débuts
Fils d’ouvrier marocain, il grandit au Val Fourré. Il
obtient un BTS transport et logistique et travaille pendant
deux ans dans une PME dans le transport de marchandises.
Le déclic
C’est en regardant un reportage sur Arte qu’il a l’idée de
monter, à 23 ans, une entreprise de taxis collectifs.
L’émission représentait un entrepreneur qui assurait le
transport de personnes âgées chez le dentiste. Il mène alors
une étude de marché qui lui donne raison.
La France et lui
Aziz Senni ne s’est jamais posé la question de l’intégration
sociale. En 2002, Chirac le félicite pour son entreprise.
Très secoué par les émeutes des banlieues françaises de
2005, il demande des fonds d’investissement pour les petites
PME de banlieues aux spécialistes de la finance.
BIO
1977. Naissance à Beni Chiker (Rif).
2000. Diplômée à Sciences Po Paris.
2002. Entre au Parti socialiste.
2007. Conseillère de Ségolène Royal lors des
présidentielles.
2008. Adjointe au maire de Lyon.
Najat Belkacem, la force tranquille
Porte-parole de
Ségolène Royal
Ses débuts
A l’âge de 4 ans, elle rejoint son père, ouvrier exilé en
France, avec sa mère et sa sœur aînée. Ils s’installent en
Picardie, à Abbeville. Avec cinq nouveaux frères et sœurs,
elle vit ensuite à Amiens. Après des études à Sciences Po,
elle travaille pendant trois ans dans un cabinet d’avocats
au conseil d ’Etat et à la Cour de cassation.
Le déclic
En 2003, elle tente en vain de passer l’ENA. Pendant qu’elle
prépare le concours, elle rencontre Caroline Collomb qui
n’est autre que la femme du maire de Lyon. Cette dernière
lui apprend que son mari cherche une chargée de mission.
Elle est alors sélectionnée par le cabinet de recrutement en
2003. Un an plus tard, elle devient conseillère régionale
puis présidente de la commission culture au PS.
La France et elle
Elle fait sa demande de nationalité à l’âge de 16 ans et le
vit comme une formalité. Lors des présidentielles de 2007,
elle explique qu’elle n’est pas une représentante des
banlieues. Le 6 avril dernier, elle était aux côtés de
Ségolène Royal lors de son voyage au Sénégal.
BIO
1984. Naissance à Tonneins.
2000. Rejoint le club de Bordeaux.
2003. Equipe de France des moins de 18 ans.
2007. Meilleur footballeur marocain à l’étranger.
2008. Meilleur joueur du Trophée des Champions.
Marouane Chamakh, la rage au coeur
Footballeur
Ses débuts
Il étudie d’abord à Nérac puis à Marmande au Sud Ouest de la
France, où il évolue dans le club local. Chamakh rejoint le
centre de formation des Girondins de Bordeaux à l’âge de 16
ans et obtient un Bac Pro Comptabilité. Le footballeur
évolue d’abord en CFA 2 (5ème division) avant de rejoindre
l’équipe de réserve dès sa deuxième saison.
Le déclic
Chamakh joue avec les pros pour la première fois en 2003. En
33 matchs, il marque 10 buts. La saison suivante, il réitère
ses performances grâce à l’entraineur Michel Pavon qui lui
fait confiance. En 2006, suite à la belle saison de Bordeaux
(2ème), il fait le choix de rester jusqu’en 2010 avec son
club.
La France et lui
Avec 10 buts en 26 matchs de Ligue 1 pour sa septième
saison, l’attaquant suscite l’intérêt de formations comme
Liverpool et Tottenham. Ce mois-ci, le quotidien sportif L’Equipe
le classe parmi les meilleurs éléments du collectif girondin
et le hisse au rang «d’une des plus fines gâchettes de Ligue
1».
BIO
1975. Naissance à Paris.
1990. Il est happé par un train.
1995. Débuts à Radio Nova.
2006. Prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes
pour Indigènes.
2008. Mariage avec la journaliste Mélissa Theuriau.
Jamel Debbouze, le fabuleux destin
Acteur et comique
Ses débuts
Jamel est l’aîné d’une famille de six enfants. Originaires
de Taza, ses parents vivent au Maroc de 1976 à 1979 avant de
s’installer à Trappes dans un HLM où Jamel fréquente les
banlieusards. Son père est chef de groupe dans une
entreprise de nettoyage. Sa mère est femme de ménage chez
Bouygues.
Le déclic
Le 17 janvier 1990, Jamel est heurté par un train. Cet
accident, qui lui fait perdre un bras, marque un tournant
décisif dans sa vie. A 14 ans, il est repéré par Alain
Degois, directeur de la compagnie théâtrale d’improvisation
Déclic Théâtre. Ce qui lui permettra d’aller en finale du
championnat de France junior de la «Ligue d’improvisation
française».
La France et lui
Jamel a joué deux fois devant François Mitterrand en 1992 et
en 1993. Il a également séduit Ségolène Royal et Nicolas
Sarkozy. En 2004, il devient la star la mieux payée du
cinéma français avec un million d’euros par film. L’acteur
habite un triplex de l’île-Saint-Louis.
pour Le Journal Hebdomadaire
du 18 au 23 avril 2009